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Numéro 56
Janvier 2022
Les ambiguïtés majeures de l’incarcération
Débat entre Monique Chemillier-Gendreau, Bertrand Kaczmarek, Philippe Lazar, Bernard Quelquejeu et Jean-François Théry
Résumé
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Diasporiques poursuit ses réflexions sur la justice par un débat sur ce qu’on peut attendre des diverses formes de privation de liberté : détention « provisoire » ou condamnation à des peines plus ou moins lourdes, pouvant aller formellement jusqu’à une incarcération « à perpétuité » et/ou assorties d’une « période de sûreté ». Un débat qui aboutit à quatre interrogations transmises aux États-généraux de la Justice.
1 - La surpopulation carcérale : Elle porte principalement sur les maisons d’arrêt. Il n’est pas acceptable que celles-ci accueillent à la fois des personnes en détention provisoire, et cela parfois pour de longues durées, et, pendant les premières années de leur détention, des personnes condamnées. La construction de nouvelles prisons devrait de façon prioritaire mettre un terme à cette confusion. S’agissant de la détention provisoire on devrait plus souvent lui substituer des procédures d’assignation à résidence pénale et/ou de bracelet électronique. S’agissant des condamnations, on devrait s’interroger sur la légitimité de l’inflation actuelle des peines privatives de liberté et entreprendre une révision du Code pénal aux fins de leur substituer d’autres peines.
2 - La finalité des peines de longue durée : L’adoption relativement récente de la possibilité d’ajouter concomitamment aux condamnations à de longue peines d’incarcération des interdiction de les réviser pendant « des périodes de sûreté » mais aussi la possibilité de prononcer des peines de condamnation « à perpétuité » témoignent du fait que la justice pénale française admet très difficilement que les détenus peuvent changer de façon radicale pendant leur détention. La protection (légitime) de la sûreté des citoyens l’emporte presque complètement sur le rôle qu’on pourrait attendre de l’incarcération en termes de tentative de préparation à la réinsertion des détenus dans la société après l’accomplissement d’une lourde peine. Il est essentiel de modifier cet état d’esprit et de renoncer aux formalisations actuelles de celles des peines qui, dans leur lettre, excluent tout espoir de rachat.
3 - La philosophie des peines privatives de liberté : Depuis les années 90, l’incarcération est considérée comme une procédure se limitant fondamentalement à une privation de liberté, s’interdisant donc toute intervention d’une autre nature auprès des détenus. Il faut remettre en question cette philosophie, à l’image de ce qui se passe dans d’autres pays européens, notamment en Suède. Une telle évolution faciliterait à l’évidence la réinsertion des détenus dans la société à l’issue de leur peine.
4 - Le poids de l’opinion publique : C’est probablement là le problème le plus difficile à affronter de nos jours, compte tenu en particulier du rôle des réseaux sociaux mais aussi des grands médias. La justice médiatique tend à se substituer de plus en plus souvent à celle des prétoires, accompagnée d’une suspicion de laxisme des juges et d’une demande d’allongement des peines privatives de liberté dans l’ignorance massive de ce que sont un emprisonnement et ses conséquences. Il faut encourager ceux des médias qui commencent à poser publiquement ces problèmes à continuer à le faire. Plus généralement, il faut mieux informer la population de leur complexité, en particulier les jeunes. De ce dernier point de vue, il faudrait, dans le cadre d’un service national élargi, leur faire visiter des lieux de détention, ce qui leur permettrait de mieux comprendre ce que signifie concrètement une peine de privation de liberté et sa lourdeur.
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Thèmes abordés dans l’article
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Convictions, Institutions judiciaires, Droits de l’Homme